Etre bénévole dans des radios libres
Pour reprendre la distinction entre radios de service public, radios commerciales et radios associatives ou communautaires, l’une des différences fortes porte sur les personnes pouvant avoir accès au micro ou aux autres activités de la radio.
Les radios de service public n’emploient que des salariés. Les radios commerciales ne peuvent pas, a priori, employer de bénévoles car leur activité pourrait, à tout moment, être requalifiée en travail dissimulé. Par contre, les radios associatives, au début de leur histoire, étaient d’abord des radios de bénévoles. Il s’agissait, le plus souvent, de militants associatifs du secteur social, culturel ou éducatif par exemple, de militants syndicaux ou politiques, de personnes simplement intéressées par l’activité radiophonique ayant une passion à vouloir faire partager aux autres ou voulant apporter un service. Entre ceux qui parlaient au micro, ceux qui s’occupaient de l’administration, ceux qui s’occupaient du matériel, c’était, en fait, une vraie communauté quasi spontanée qui faisait fonctionner la radio. Parmi eux, certains venaient pour se faire plaisir, d’autres pour faire aboutir des objectifs militants et d’autres, enfin, pour se mettre au service des habitants du territoire.
Par la suite, par le besoin de renouveler les générations ou de renforcer les équipes, cette « communauté des acteurs » dans la radio a évolué :
- Des salariés ont pu être recrutés si les moyens de la radio le permettaient. Ils apportaient ainsi une relative sécurisation dans la stabilité des services développés par la radio.
- De nouveaux bénévoles ont rejoint les équipes, mais avec des profils divers :
- Les mêmes que ceux du début de la radio (militants, passionnés, citoyens engagés, etc…)
- Des personnes venant pour accompagner des amis dans la radio
- Des personnes en recherche de développement personnel
- Des personnes souhaitant créer, garder ou développer, pour elles-mêmes, du lien social
- Des personnes en recherche de reconnaissance personnelle, civique et sociale
- Des groupes constitués: représentants d’une association, d’un groupe social, d’une communauté culturelle, etc…
- Des personnes incitées à s’intégrer provisoirement ou sur une longue durée dans la radio pour un renforcement de compétences : ceci pouvant concerner des élèves du système scolaire, des jeunes en difficulté comme les jeunes décrocheurs, l’insertion sociale de personnes en difficulté ou marginalisées, etc.
Il y a, aujourd’hui, dans les radios libres en Europe, des dizaines de milliers de bénévoles. Dans certains pays, l’absence de financements pérennes fait que ce sont les bénévoles qui animent et administrent les radios. Dans d’autres pays, le salariat s’est plus ou moins développé, conduisant parfois à une professionnalisation assumée de l’action radiophonique. Ceci n’empêche pas les bénévoles de continuer leur action sur des postes de dirigeants ou d’administrateurs ou comme animateurs d’émissions le plus souvent hebdomadaires. Il y a alors cohabitation entre bénévoles et salariés.
Dans la théorie, les premiers sont les porteurs de la pérennisation des valeurs de la radio associative, et les seconds, ceux qui permettent que ces valeurs puissent s’exprimer dans la grille d’antenne et dans la régularité du fonctionnement de la radio.
Cependant, nous pouvons constater une inversion de tendance. En effet, c’est de plus en plus souvent les salariés qui dirigent réellement les radios et qui même parfois les représentent à l’extérieur, dans les organisations nationales et internationales. Les bénévoles administrateurs élus voient alors leur rôle devenir symbolique, sinon seulement honorifique sans qu’il y ait atteinte aux statuts, puisque, à défaut de gestion matérielle, la décision par vote leur appartient encore. Les animateurs bénévoles viennent faire leur émission en comptant sur l’appui d’un salarié (par exemple en régie) et s’investissent moins dans le fonctionnement collectif puisque des « salariés font tourner la maison ».
Attention ! Ne pas considérer que cette évolution touche toutes les radios associatives. En effet, beaucoup maintiennent le pouvoir de décision aux bénévoles engagés qui administrent réellement, en pleine connaissance de l’ensemble des dossiers de fonctionnement de la radio et délèguent seulement, aux salariés, les missions qu’ils ne peuvent pas assurer, du fait d’une disponibilité inconstante, comme le suivi de la grille d’antenne, l’information au quotidien, l’assistance technique en régie, etc…
Tous ces bénévoles sont donc très divers par leur personnalité, les motifs de leur implication et les fonctions tenues dans la radio. Ils peuvent avoir de treize ans à quatre-vingt-dix ans, être de milieux favorisés ou défavorisés. Ils peuvent prendre cette activité en loisir à côté de leur travail ou au contraire, en situation de chômage, en faire une activité de reconnaissance sociale et personnelle et de lien social. Ils peuvent avoir un très haut niveau d’études ou être sortis de l’école sans diplôme ou qualification. Ils peuvent n’avoir rien à se prouver à eux-mêmes ou au contraire avoir juste envie de renforcer leur propre confiance, de se donner une image sociale et personnelle positive. Les motifs pour lesquels les bénévoles rejoignent, pour quelques heures, pour quelques semaines ou pour plusieurs années, une radio locale sont très divers.
Lors de procédures d’accueil ou d’accompagnement, très variables selon les pays, les bénévoles sont mis en situation d’apprentissage informel ou non formel. Ils acquièrent des connaissances sur la pratique radiophonique et sur les thèmes qu’ils traitent, du savoir procédural, du savoir-faire, du savoir-être, du savoir-agir. Ce capital acquis n’est pas suffisamment valorisé. On peut même dire que, le plus souvent, il n’est absolument pas valorisé.
Lorsqu’un bénévole quitte une radio, avec quoi part-il ? Eventuellement des enregistrements de ce qu’il a pu faire, des éventuelles coupures de presse le montrant en action, des rapports de réunions évoquant son action, des messages d’auditeurs, des restes de visibilité sur un site internet….. Rien qui n’ait une valeur sérieuse pour l’insertion sociale ou pour accéder à un emploi, que ce soit dans le monde de l’information et de la communication, pour tout autre secteur ou encore plus, et paradoxalement, pour entrer dans une autre radio, d’autres formats, à proximité, à l’autre bout de son pays ou de l’Europe.